Depuis mon arrivée en Suède, j'ai du mal avec la figure de Sainte Lucie (Sankta Lucia), fêtée le 13 décembre et si populaire. Il semble que tout le monde en Suède a un faible pour Lucia, avec sa robe blanche, sa couronne de bougies et son cortège de jeunes filles. Pour ma part, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi une martyre chrétienne italienne a encore tant de succès, même parmi la population athée. La symbolique chrétienne, comme souvent, me paraît d'un kitsch absolu, la jeune vierge toute de blanc vêtue, chantant des chants pour tout dire plutôt niais alors que son histoire supposée est d'avoir été torturée (ses yeux arrachés notamment). Je n'ai pas été élevée dans le christianisme, je ne comprends pas cette obsession des martyrs et de la pureté. Tout comme je ne comprenais pas la place de Lucia en Suède. Jusqu'à ce que je découvre Lussi, cette année, au gré de mes cheminements sur la Toile. Lussi ou Lusse est une mère et/ou reine des trolls et esprits de la nuit, qui conduit leur cortège durant les nuits les plus sombres, s'éclairant souvent d'un flambeau ou chandelier. Plusieurs points sont à relever pour comprendre Lussi elle-même ainsi que sa connexion avec Lucia : Tout d'abord, le calendrier. L'ancien calendrier julien faisait coïncider le 13 décembre avec le solstice d'hiver, la nuit la plus longue de l'année. Lors du changement de calendrier au 16e siècle, le solstice s'est retrouvé au 21 décembre mais la fête de Lussi/Lucia était bien ancrée au 13 décembre dans les almanachs et les moeurs, la date est donc restée. Il est ainsi important de comprendre que les traditions de Lussi/Lucia sont bel et bien des traditions de solstice, et la symbolique de Lussi, reine de la nuit et mère des trolls, prend alors tout son sens. Ensuite, la nature trouble du Noël nordique. Noël n'a pas toujours été une fête familiale et bon-enfant. Elle l'est devenue après des siècles de chrétienté qui a fait tout son possible pour adoucir la nature à l'origine chaotique et plutôt violente des célébrations du solstice d'hiver dans les pays germaniques et scandinaves. Le solstice, nommé Jul en suédois (jul est un mot qui dérive de la racine norroise "joie, fête"), était une période de réjouissement, mais ce dernier était coloré par l'atmosphère des plus longues nuits, pensées comme les moments où le chaos originel revenait hanter le monde des vivants sous la forme d'esprits, de trolls, de morts-vivants. On peut ici clairement voir une similitude avec la Samhain celtique (qui arrive plus tôt dans l'année, bien que cela soit à débattre en raison, encore une fois, des calendriers et de leurs bourdes) et, encore plus nettement, avec la Chasse Sauvage germanique, où Herne/Wotan conduit un cortège fantastique d'esprits et de héros morts au combat en une folle cavalcade à travers le ciel et la campagne. La fête célébrée à la période nommée aujourd'hui Noël était pendant des siècles une fête similaire à l'idée que l'on peut se faire d'un carnaval : imbibée, débauchée, sans limites et inversant volontairement les règles sociales habituelles. La tradition du wassailing, commune aux pays scandinaves et britanniques, voit encore aujourd'hui (dans quelques régions) des jeunes hommes déguisés en monstres et animaux fantastiques (Mari Lwyd au Pays de Galles, Julbock en Suède, Krampus en Autriche...) déambuler dans les villages, chanter, faire des farces, demander à boire et à manger, en recevoir, et effrayer les passants ou les habitants des maisons qu'ils visitent, particulièrement les enfants. Dans de nombreuses régions, l'ordre social était bousculé : il reste ainsi des témoignages d'un enfant nommé Pape par sa communauté, de nobles servant leurs valets, et autres exemples de sociétés se mettant, pour la durée des plus longues nuits de l'année, volontairement sens-dessus-dessous. La naissance de Jésus n'avait en fait pas, dans les premiers temps de l'Eglise, de date connue. Elle n'était probablement même pas fêtée. Pâques était une célébration beaucoup plus importante - et l'est encore pour les pays Orthodoxes. C'est dans un effort de tempérer le chaos solsticial que l'Eglise a en fait interdit toutes célébrations à cette période, et ce pendant des siècles ! Sans succès, comme bien souvent. De guerre lasse, plutôt que d'interdire les réunions et fêtes, elle les a autorisées... sous condition de célébrer l'un de ses mythes fondateurs : la naissance de son dieu. C'est ainsi vers le début du 19e siècle que, de taboues, les célébrations d'hiver sont devenues chrétiennes et obligatoires (eh oui, si tard). C'est l'époque de la fameuse messe de minuit, tenue autant pour rassurer les populations effrayées par la magie chaotique et les démons dangereux à l'oeuvre cette nuit-là que pour s'assurer que toute la communauté est rassemblée à prier - et non à faire les quatre-cents-coups déguisée en monstres ! Enfin, parlons de Lussi elle-même et des traditions qui lui sont associées. La chose la plus frappante peut-être est que Lussi n'est pas une déesse, et ne semble pas non plus avoir été recensée dans les mythes et épopées du panthéon "viking". Peut-être peut-on voir en elle une figure de Hel, la déesse nordique des morts, mais je trouve l'association plutôt alambiquée. Lussi n'est pas associée aux morts, mais surtout aux trolls et autres créatures non-humaines mais intelligentes, généralement malfaisantes ou en tout cas farceuses en diable (sic). Si vous n'en avez pas déjà connaissance, une hypothèse plutôt récente dans l'analyse des mythes nordiques propose que les différentes "catégories" de divinités serait un résultat des vagues de colonisation successives des terres scandinaves. Ainsi, les Jötuns, géants primordiaux sauvages, seraient les divinités des peuples conquis par une vague de peuplement ayant apporté les Vanes, divinités agraires et fertiles, eux-même conquis ensuite par les peuples dits scandinaves, amenant avec eux les Ases et les faisant ainsi trôner au-dessus des divinités locales plus anciennes. Ce raisonnement me paraît très pertinent, car c'est un schéma que l'on rencontre absolument partout dans le christianisme, qui a réduit en saints et saintes, ou en démons quand ils étaient trop difficiles à apprivoiser, toutes les divinités païennes que les peuples convertis ne voulaient pas abandonner. Un phénomène qui se produit lors d'une vague d'invasion culturelle et religieuse peut très bien s'être produit d'une manière similaire durant les vagues précédentes. D'autant plus que l'on sait que le peuplement de la Scandinavie s'est effectivement fait par vagues successives assez rapides lors du retrait de la calotte glaciaire. Les différentes vagues de peuplement ont même été identifiées récemment grâce à l'ADN paternel de milliers de Scandinaves, permettant de tracer des peuples venant de Grande-Bretagne, Syrie/Turquie et, pour la plus connue, d'Allemagne et Pologne. Lussi pourrait donc être une divinité plus ancienne que le panthéon nordique habituel, ayant survécu à des siècles d'immigrations successives en devenant un esprit malfaisant n'ayant la possibilité d'apparaître que dans la période la plus sombre, lorsque les populations ont un peu plus tendance à retomber dans de vieilles croyances que le reste de l'année (et c'est aussi la période où l'on se raconte le plus de légendes, les conteurs et conteuses étant une nécessité absolue dans les pays à haute latitude pour survivre moralement à des semaines d'obscurité). Je pense que Santa Lucia, martyre italienne (sicilienne) du 4e siècle donc, a été choisie par l'Eglise pour remplacer Lussi pour deux raisons majoritaires : Son nom déjà, la similitude entre Lussi et Lucia étant évidente, bien que je me demande du coup quelle est l'étymoloie du nom de Lussi. Lucia vient de "lux" en latin, soit la lumière. Et du coup, le symbole de Lucia : la porteuse de lumière, due en bonne partie à son énucléation qui ne l'aurait pas, contre toute attente de ses tortionnaires, rendue aveugle, mais au contraire lui aurait permis de voir encore mieux. Ce symbole de porteuse de lumière est aussi avancé dans une légende rapportant que Lucia aurait porté des vivres aux Chrétiens persécutés se cachant dans les catacombes et, pour avoir les mains libres pour son fardeau, aurait mis ses bougies d'éclairage sur sa tête. Une ancienne figure sombre et nocturne, diabolique sûrement, est détrônée et remplacée par une sainte bien chrétienne porteuse de lumière... Pour moi, ca se tient. Quelle que soit la nature de Lussi exactement, c'est une figure qui survit encore dans le folklore de la période de l'Avent en Suède. Principalement à travers bien des composantes des traditions de Sankta Lucia : Les lussekatter sont des brioches au safran en forme de S, très populaires (on les trouve absolument partout en décembre)... mais aussi les "chats de Lusse" (littéralement), des chats noirs qui font partie du cortège de Lussi et sont en réalité des créatures nocturnes et bien souvent percues comme diaboliques. Quand une procession de Lucia et ses compagnes vient chanter dans une maison, on dit alors que la famille est "lussad". Notez l'orthographe avec deux S et non un C ! Je sais que l'orthographe suédoise a une fâcheuse tendance à faire ce qu'elle veut avec les mots d'origine étrangère, et le C n'est pas une lettre utilisée pour le son [s] en général, mais tout de même, je trouve ce détail intrigant. Le cortège de Lucia, justement, parlons-en ! Une figure féminine centrale, portant la lumière, suivie d'êtres lui ressemblant, en symbolisme et apparence. Lussi est généralement représentée comme une vieille femme (une sorcière ?) ou une mère trolle, suivie de ses nombreux enfants trolls ; Lucia est une vierge vêtue de blanc, suivie de vierges vêtues de blanc... Le parallèle est-il assez clair ? Cette dualité Lussi/Lucia me fait d'ailleurs furieusement penser à celle Saint Nicolas/Père Fouettard ou St. Nikolaus/Krampus. Mais je reparlerai de Krampus dans mon billet prévu sur le Julbock. Des contes et légendes, enfin, racontent comment Lussi vient vérifier que tout le monde est prêt pour Noël et, donc, n'est pas encore en train de travailler. Si elle découvre ainsi un-e retardataire, elle crie dans la cheminée : "Pas brasser ! Pas cuire le pain ! Pas faire de grands feux !" et parfois punit la personne en question de diverses manières. (En Islande, c'est la trolle Gryla qui tient ce rôle, aidée de ses enfants trolls qui ont des punitions très spécialisées, et elle est accompagnée du Jólakötturinn, le Chat de Jól, qui dévore les enfants paresseux.) (je pose juste ca là pour la comparaison) L'association avec la cheminée spécifiquement me rappelle encore une autre figure saisonnière : celle bien sûr du Père Noël lui-même, qui descend donner ses cadeaux... par la cheminée. Le mécontentement de Lussi pour les paresseux n'ayant pas terminé leur travail pour Noël trace aussi un parallèle très net avec la germanique Perchta/Holde, qui récompense les travailleurs avec une pièce mais ouvre le ventre des paresseux avec un couteau et remplace leurs intestins par de la paille et des cailloux ! Elle est particulièrement sévère avec les jeunes filles n'ayant pas terminé de filer leur lin ou laine de l'année (un lien avec la Brigid celtique ? Perchta veut dire "la brillante" en Vieil-Allemand). Jacob Grimm écrivit d'ailleurs que Perchta mène la Chasse Sauvage dans plusieurs mythes, tout comme Lussi mène son cortège de créatures nocturnes. Il y aurait encore beaucoup à dire sur Lussi, j'ai à peine commencé à creuser ce sujet et ai déjà tant de matière ! J'apporterai sans doute de nouveaux aspects et réflexions au fil des années. Pour le moment, je savoure simplement d'avoir découvert cette figure-là, qui me réconcilie beaucoup avec cette période "de Noël" qui m'a si longtemps fait grincer des dents (principalement pour la folie consommatrice que je vois partout et pour le kitsch si ostentatoire des traditions chrétiennes en cette saison). Je ne la connais pas encore, Lussi, mais je réfléchis beaucoup à son sujet, je pense à elle en cuisinant des biscuits traditionnels. Et je commence à jouer avec une idée de retourner comme un gant l'appropriation conduite par l'Eglise en Sankta Lucia et de reformer, avec les éléments historiques que je peux trouver, une célébration de Lussi elle-même, dans toute sa gloire nocturne, chaotique et si ancienne.
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Dark Season - velvet, berries and mysteries
(English translation in comments) Chaque année, je la crains. Et chaque année, elle me séduit à nouveau et je me demande bien pourquoi j'ai eu peur de son arrivée, au lieu de m'en réjouir. L'été n'est pas une saison où je me sens bien. Il fait trop chaud, les insectes ne me laissent aucun répit, le soleil scandinave ne veut pas se coucher, je dors mal, mon corps lâche chaque été par un autre bout, j'ai mal, je n'aime pas ca. Septembre arrive et c'est un soulagement et ravissement. L'air devient respirable à nouveau, il se fait rond et riche des pluies et piquant des premiers gels. Les odeurs deviennent folles, s'entrecroisent dans le vent. Un délice. On peut enfin sortir les tricots aux motifs et couleurs savantes, réalisés à la main par un proche affectueux. Il y a tant de traditions de tricot et autres arts du fil dans nos régions, la beauté contenue dans ces traditions et savoirs m'émeut profondément. Noeuds, tresses, étoiles, textures et odeurs cascadent le long des manches. Les arbres ne sont pas en reste, explosant en nuances osées et spectaculaires avant leur longue nuit. Les sorbiers, tout honte bue, peignent la campagne du rouge le plus vif et vibrant qui soit. Nous n'avons presque pas eu de pommes cette année (contrecoup de la folie de la récolte précédente) mais les sorbes sont partout et j'ai profité tant que j'ai pu. Le congélateur est plein de ces billes de vitamines que j'ajoute à mes petits-déjeuners, j'en ai fait des guirlandes à travers tout le plafond et même un collier à plusieurs rangées. Elles sont irrésistibles et je me laisse enivrer joyeusement. Octobre a un côté social qui à la fois m'agace et me fait chaud au coeur. L'américaine fête de Halloween, qui continue à gagner du terrain en Europe, rassemble les personnes qui aiment cette saison, ses couleurs, odeurs et atmosphères. Surtout en ligne. Il y a une forme de tribu joyeuse, noire et orangée, vaguement gothique, qui devient visible sur les réseaux sociaux. Je l'aime bien, mais j'ai du mal avec l'américanisation extrême de toute cette esthétique. Les courges sont des légumes beaux, délicieux et pleins de vertus, mais pourquoi ne célèbre-t-on pas tout autant les polyvalentes patates, les riches oignons, les subtils céleris et, surtout, les telluriques betteraves, dont un proverbe explique bien que "toute histoire qui commence avec une betterave finit forcément avec le Diable" ? Plus approprié à l'esprit de la saison, il n'y a pas ! Les inspirations automnales se trouvent par milliers sur la Toile, mais toujours avec une codification très américaine. J'aimerais tant voir d'avantage d'images, de vidéos célébrant l'automne local de chacun. Derrière la mousse sociale qui monte à l'approche d'Halloween pour les profanes et Samhain pour les néopaïens bien formatés, il y a la Nature elle-même, qui n'a pas besoin de toute cette excitation et qui célèbre bien toute seule l'arrivée du Sombre en couleurs et odeurs. A son contact, une part de moi se calme, comme les végétaux qui, tout en faisant leur grand spectacle, se préparent au sommeil. Mais une autre part s'éveille, s'étire et sourit largement. Celle qui est tombée sous le charme de l'obscurité il y a des années déjà et l'a choisie, avec ferveur, avec élan. Je suis tellement, mais tellement fatiguée de l'opposition Bien-Mal, lumière-obscurité, positif-négatif, qu'on nous vent à toutes les sauces. Grande amatrice de littérature fantasy, c'est l'un des principaux problèmes que je lui trouve. Je ne crois pas au manichéisme ni à une fondamentale dichotomie. Je reviendrai un jour là-dessus en détails car l'opposition lumière-obscurité n'est pas une vérité naturelle, seulement une conception limitée (et limitante) venant de notre perception sensorielle humaine. Vie/mort même chose. Mais revenons à notre saison. Sombre et veloutée, elle est tendre, accueillante, généreuse, comme les bras d'un amant dans lesquels on peut se glisser avec abandon. Il ne s'agit pas d'une manipulation, d'une astuce, de la marque d'un esprit mauvais. Non, l'obscurité et l'ombre ne sont pas négatives, mais elles permettent à tous les possibles de se cacher en leur sein. Et c'est cette potentialité infinie qui fait peur. Que se cache-t-il dans la nuit ? C'est la terreur qui crée les monstres. Accueillis avec leur mystère, ils ne sont guère que des familiers et, si certains crachent et griffent, d'autres ronronnent et réchauffent volontiers vos genoux. Vouloir la lumière, le positif à tout prix, c'est nier l'importance des ombres, de tout ce qu'elles ont à nous apprendre, et c'est refuser la force incroyable qu'elle peuvent nous offrir. Dans le noir se trouvent des sources, des voix pour comprendre, des rocs pour construire, se construire, de facon plus équilibrée et solide qu'en les rejetant pour ne garder que ce qui brille et luit. Cette nuit qui s'étend me ravit, je me découvre une énergie impressionnante et une force intérieure que j'avais oubliée durant les mois clairs. Autour de moi beaucoup se plaignent du manque de lumière ; je ne dis rien et sors sourire amoureusement au velours de l'ombre, aux brumes qui filent des atmosphères de contes, aux nuées qui se déchirent pour offrir au sol les pluies fécondes, même parfois aux étoiles, quand le ciel est clair - mais leur saison à elles n'est pas encore arrivée. Bientôt elles régneront sur nos terres gelées et régaleront nos prunelles de leur immensité. Peut-être même aurons nous droit, ici au Nord, aux rubans verts et mauves des âmes dansantes des ancêtres. Avant-hier c'était Valborgs mässoafton ici en Suède. J'ai vu le brasier des voisins illuminer la nuit. En sortant fermer aux poules, j'ai encore dérangé les deux lièvres qui visiblement aiment à se pourchasser autour de ma boîte aux lettres. Pas croisé notre compère renard fauve et noir cette fois-ci, mais les grives chantaient à pleine gorge tandis que je foulais le tapis de violettes. Plus tard dans la nuit, savourant un dernier verre de cidre maison avant d'aller me coucher, j'ai entendu la chouette. Cela fait maintenant des années que je ne "pratique" plus la magie. Parfois un geste ou une prière aux esprits anciens et sauvages, mais les rituels, cercles, formules et compagnie n'ont plus cours dans ma Vie. Parce que je me suis appliquée à rendre mon quotidien magique en lui-même. J'ai fait des choix dans ce sens, parfois terrifiants, comme m'expatrier seule et sans plan précis dans un pays dont je parlais tout juste la langue. Ou d'autres qui demandent juste une forme de courage renouvelé chaque jour, comme travailler dans un métier physique (je suis apicultrice) et me chauffer en bonne partie au bois. Je crois que le plus important choix que j'aie pu faire dans le sens de rendre ma Vie plus magique, c'était de la rendre plus sauvage. Je n'ai jamais été une enfant des villes, bien que je les apprécie aussi beaucoup à petites doses (les virées à Uppsala de café gustavien en bibliothèque multilingue avec mon amie aux cheveux verts, par exemple, sont magiques en elles-mêmes). Mais mon année en Dalécarlie Ouest (Västerdalarna), à vivre dans un chalet en bord de rivière avec les castors et mésanges pour seuls voisins et 6°C dans la cuisine en février, m'a définitivement rangée dans le camp des campagnardes. Vivre à la campagne, je ne le cache pas, est souvent dur. Il y a peu de contacts sociaux à la ronde, il faut faire du chemin pour la moindre course, et le quotidien est simplement plus rude, surtout ici, en Scandinavie, surtout l'hiver comme on peut s'en douter. Notamment dans une bâtisse victorienne dont la tuyauterie gèle chaque hiver et dont le chauffage atteint avec peine 15°C pendant plusieurs mois. Les joies d'habiter dans de vieilles maisons ! Mais ces petits tracas et difficultés en valent tellement la peine ! J'aime aller chercher le bois pour me chauffer ; le fendre réchauffe d'ailleurs ! J'aime pelleter la neige sous les étoiles si nombreuses, qu'aucune lumière de ville ne concurrence. J'aime même devoir me battre contre les rongeurs qui grignotent tout ce qu'ils peuvent, parce que ca me rappelle que je ne suis pas le centre du monde, que d'autres Vies font leur chemin aussi autour de moi, que je n'en suis qu'une parmi d'autres et que toutes sont valides et importantes. Et surtout, j'aime l'espace que j'ai à disposition, le silence si profond des nuits que je peux entendre les lièvres courir dans le jardin, l'air si pur que j'ai l'impression de le boire, l'absence de voisins qui pourraient s'offusquer de ce que je joue du violon à 3h du matin, et toute la sauvagine qui croise mon chemin chaque jour presque sans me prêter attention. Je suis de plus en plus persuadée que la véritable magie ne réside pas dans le fait de faire quelque chose (rituel, formule, potion, etc.) mais d'agir au quotidien sur la toile de la Vie pour la modeler, en touches légère, à sa convenance. Tout comme posséder un vrai pouvoir consiste à avoir la confiance et la sagesse de ne pas s'en servir, hors absolue nécessité. Le lien qu'on ressent à la magie du monde ne s'en trouve pas affaibli, au contraire, il se renforce et s'épure. On n'est plus aveuglée par le côté "technique" de la magie, mais on la manie avec naturel, on fait corps avec elle et on distingue mieux toutes ses nuances et ses clins d'oeil. Mon quotidien est d'une magie incroyable et toute naturelle. J'ai un chat majoritairement noir qui me suit partout et communique beaucoup. Je concocte des breuvages mystérieux à base de champignons (kombucha) et des fruits de mon jardin (jus de pommes et cidre maison). J'ai un jardin et un verger immenses pleins de bestioles en tous genres (aussi les désagréables hein) qui me pourvoient en légumes, fruits, fleurs et feuilles pour nourriture et tisanes. J'ai des poules que j'adore (deux d'entre elles sont noires, pour le cliché) qui me picotent les mains et m'offrent leurs oeufs chaque jour. Je file, teins et tisse la laine de moutons que j'ai grattouillés depuis leur naissance (on en a un troupeau à la ferme apicole où je bosse). Je joue des morceaux de violon avec des titres évocateurs tels que "danse du diable" ou "le démon dans le rocher". Je vadrouille dans des forêts moussues et odorantes dans lesquelles je trouve régulièrement bois de rennes et os d'élans. Je crie des choses (probablement des inepties) aux choucas, corbeaux et corneilles qui, parfois, me répondent. Est-ce que les côtés "actif" et rituel me manquent ? Oui, parfois. Commencer à rédiger mon Grimoire (relié main il y a quelques années) me démange, mais je me demande un peu qu'y inscrire. Aucune recette magique, si ce n'est celle du flan aux violettes ou de l'hydromel à la menthe d'eau. Aucun rite secret, si ce n'est apporter du porridge au tomte pour garantir le bien-être des animaux domestiques. Aucune formule mystérieuse, si ce n'est la litanie de jurons et de prières qui accompagne un feu ne voulant pas démarrer. Aucune mélopée puissante, si ce n'est la collection de chansons traditionelles murmurées à mon chat ou chantées à plein poumons en teignant la laine. Aucune prière sorcière si ce n'est la reconnaissance exprimée à demi-mot, couchée sur un rocher touffu, les yeux perdus dans la canopée. Peut-être que la véritable magie n'est pas faite pour être écrite ni transmise, mais vécue ? Påskkärring, la sorcière de Pâques, a encore été célébrée cette année. En joyeuse compagnie même, puisque mes collègues m'ont rejointe sur la route de Blåkulla. photos par Erik O.H.
Sometimes being a witch is not fancy. Often, in fact, in my case. Most of the time.
Sometime it is making your entire house smell terrible because you just had to brew that fermented walnut dye because its colours are without compare and walnuts truly are a gift from the Earth itself. Sometime it is holding against your heart that dear close friend who's having a tough period of Life whilst she cries out all her tears and muck on your shoulder and tells you about her stuff, because what she needs at that moment is neither a pretty amulet nor a delicious tea but an actual, carrying friend who listens to her weakest self and loves her unconditionally. Sometime it is freezing your fingers like crazy in the night because the spirits and wild animals need their offering and there is no such thing as "doing it tomorrow" when it's about survival in cold winters. Sometime it is cutting open two roadkilled fox babies next to a noisy road, in order to extract the parts that can be saved from their already awfully smelly flesh, to give their spirits some kind of rest and their bodies some purpose. Sometime it is telling your mother, sister, friend or lover their shit that no one dares to tell them, because they need to hear it to be able to grow as even more beautiful persons instead of staying comfortably in a not-so-healthy state. Sometime it is getting freaking wet and cold in the bad weather because the call of the Outside was stronger than your little comfort. Sometime it is feeling oh so shitty because the gods you have called upon demand incredibly difficult things from you. You're still sure it's worth it, but you're not sure you are. Still, you try, and fail, and try again. And you feel Them glancing towards you to see if you're making any progress and you really, really don't want to disappoint not break your word. Very often it is having muddy feet, dirty nails and tousled hair. Short nights, too. It is often a damn lot of social and emotional work, aswell as nature-related messy stuff. And a good lot of daring to face yourself in full. At least that's me. I'm not a fancy witch. But I like to think I'm a deep and efficient one. Although I often doubt that - and it's okej. Un bon article, un peu succinct toutefois à mon goût : Quand le marketing aura dompté et tué la sorcière J'ai quitté le Paganet (surnom que je donne à l'Internet païen et sorcier ; dans ce billet je vais me concentrer sur le côté sorcier mais garderai le surnom par convenance) il y a bientôt 10 ans. Pourtant, ces blogs et forums avaient été mon souffle d'air, mon antre secrète et sécuritaire à l'adolescence, un monde intangible mais fort qui m'avait donné la force d'être qui je suis, de croire en ce que je sentais et d'avancer sur des chemins qui m'appelaient à grands cris depuis toujours. J'ai ADORÉ le Paganet, j'y ai vécu et m'y suis développée et épanouie pendant des années et je n'aurais jamais pensé y devenir si férocement opposée un jour. Et pourtant je suis partie, principalement parce que j'ai compris que ce qu'on trouve sur Internet, c'est toujours la même chose, et que ça manque cruellement de vécu et de substance. Combien de sorcières qui dépensent des fortunes en accessoires, tarots et compagnie sans savoir grand'chose des vraies plantes, des vraies arbres, des vrais animaux ? Combien d'entre elles qui prennent des photos certes magnifiquement orchestrées et les postent sur les réseaux sociaux mais n'utilisent, à vrai dire, ces superbes décorations que comme... décorations, justement ? Ca sonne creux à mes oreilles (et je suis musicienne, j'ai de très bonnes oreilles). Pour ça et plein d'autres raisons, je suis partie. Mais je mentirais si je disais que je suis restée sourde aux nouvelles de ce monde-là. J'y ai gardé quelques contacts, très peu, très triés, généralement de façon invisible de ma part. Je n'ai jamais pu me défaire de mon sang noir, de mes ongles dans la terre, de mes cheveux flottant derrière mon balai en vol, de mes collections d'os trouvés au hasard de mes vadrouilles, ni, je le reconnais, d'un penchant immense pour une certaine esthétique : l'esthétique sorcière. Le noir, le victorien, le fantastique, le naturel, l'inquiétant, toutes ces choses mêlées en un brouet à la fois cool et rejeté. Cool, justement. C'est cela que j'ai vu émerger depuis plusieurs années, ce mot qui veut dire tellement malgré son sens si large. Je l'ai vu se coller petit à petit à ces symboles, ces atmosphères, ces esthétiques dites sorcières. Les blogs, pages de réseaux sociaux, sites et autres se sont multipliés, avec un appel esthétique toujours plus recherché, plus chiadé, des photos magnifiques, la technologie galopante permettant à tout le monde d'utiliser filtres et retouches. Et sans que je ne le voie vraiment arriver, la Sorcière était devenue cool. Pas la sorcière traditionnelle verte à verrues, ni la sorcière vaudou par exemple (le monde occidental n'a jamais rien compris au vaudou et ça n'est pas près de changer), ni la gentille sorcière apprivoisée des cartoons et séries télévisées (Ma Sorcière Bien-Aimée et compagnie, déjà lissée depuis longtemps) (je ne mentionne par Harry Potter et c'est voulu, car c'est un sujet social bien trop vaste et que je préfère ne pas m'y attaquer pour l'instant, mais je sais que les livres et films ont énormément contribué à la démocratisation et démystification de la sorcellerie en général). Non, la Wiccane en priorité, vu qu'elle était la plus facile à trouver et à cibler, et puis tous les courants que la Wicca traînait derrière elle. Tous les symboles, les ankh affectionnées par les gothiques, les runes nordiques, les pentacles bien sûr à toutes les sauces, et même quelques caractères thebans... se sont retrouvés sur des sacs, des t-shirts, des mugs. Et puis le mot, LE mot : Sorcière. Lui aussi est devenu un produit. Etre une sorcière n'est plus une chose honteuse que l'on cache (comme il y a longtemps et/ou dans certaines régions notamment très conservatrices/chrétiennes) ni un objet de moqueries (ma génération, plus ou moins). C'est devenu une sorte de marque, que l'on revendique en l'affichant partout - et SURTOUT sur ses réseaux sociaux. Il y a un truc qui me chiffonne là-dedans. Beaucoup. Les sorcières ont toujours vendu leur magie, de façon plus ou moins officielle ou secrète selon les âges et les situations. Elles en ont eu besoin pour vivre, tout simplement. Je me souviens des premières boutiques sorcières et/ou païennes francophones en ligne, où des passionnées vendaient par exemple des petits chaudrons en cuivre dénichés dans des brocantes (je rêvais d'en avoir un), des smudges ou autres encens faits maison, des bijoux aussi, voire des baguettes magiques. J'ai bavé des heures sur la boutique de Sarah Ann Lawless avec ces sets divinatoires en bois, faits main, magnifiquement peints. Ce petit commerce ne m'a jamais hérissé le poil, comme dit, il est naturel, normal, la sorcellerie demande à être payée depuis la nuit des temps, d'une manière ou d'une autre - c'est un travail, après tout, comme bien d'autres choses (je suis musicienne professionnelle, donc, et j'en connais un rayon sur le travail non reconnu, je peux vous dire). Non, ce qui me dérange, c'est l'échelle, l'ampleur que ça a atteint, avec de vrais commerces très prospères se lançant dans l'affaire - et aussi, d'une certaine façon, le manque absolu de pudeur tant des marques que des personnes qui portent ces vêtements, bijoux et accessoires. Je me souviens encore d'un temps où, loin d'afficher son pentacle, on le portait en pendentif long caché dans son col, sous ses vêtements. Ca me fait penser à la démocratisation du tatouage dans notre société, cette manie d'afficher en grand et en très visible quelque chose qui autrefois était caché. Est-ce mieux de cacher que de montrer ? Je ne le pense pas, ne serait-ce que pour la liberté de porter ce que l'on veut sans se faire emmerder, que j'ai toujours férocement défendue. Toutefois je trouve qu'il y a une grande différence entre pouvoir porter ses symboles religieux ou spirituels ouvertement sans problèmes et le fait de les afficher en énorme, partout. Comme dit, cela relève pour moi d'un manque de pudeur - et ne lisez pas dans ce mot une consonance honteuse, mais la distinction entre l'intime et le public. Mais à l'heure où tant de gens affichent leur relations amoureuses en détails sur les réseaux sociaux, j'ai l'impression que le concept d'intime est parti aux fraises. J'ai l'impression que le marketing et la surconsommation, comme ils ont déjà fait avec les mouvements hippie et rock ainsi que tellement, tellement d'autres choses, sont en train de passer au rouleau compresseur la figure de la sorcière. Après l'avoir haïe et ostracisée pendant des siècles, on a tenté de la transformer en ménagère docile, puis elle est devenue juste un monde dans lequel évoluer avec des idées et valeurs finalement très moldues (oui le clin d'oeil à Harry Potter est voulu, parce que c'est de cette franchise dont je parle maintenant)... et au final ce monde est devenu juste un décor, une panoplie, un set de décoration, décliné en toutes les variantes possibles et imaginables et surtout vendables. Et elle se retrouve maintenant en tant que logo, dans une petite boîte bien commercialisable, bien propre, bien en plastique, bien légale, bien pas inquiétante du tout, qui ne questionne plus rien. Cette fois, elle est muselée, vaincue, domptée. ... Pensez vous ! La sorcellerie existait bien avant les pentacles que l'industrie a dénaturés, bien avant les chapeaux pointus (qui sont d'ailleurs ceux des hérétiques et/ou des nobles des cours médiévales), bien avant Harry Potter et sa magie en livres d'école, même bien avant ce vieux Gardner qui a fait bien du gloubiboulga indigeste que tant de gens reprennent hélas comme paroles sacrées. Au final, on s'en fout. La sorcière est un logo à la mode ? Ca ne changera rien à celles et ceux qui portent ce mot en leur coeur, comme un mot d'amour secret à des esprits sombres et sauvages, chuchoté avec émotion sur les chemins des Vents, des corps nus, des racines amères et des flammes dansantes. La sorcellerie vendue en masse aujourd'hui, malgré son désir d'être rebelle et subversive, ne fait qu'être, finalement, très convenue et bien-pensante, avec uniquement les travers communs de son contexte social. La liberté réelle, la sauvagerie profonde, n'est pas et ne sera jamais domestiquée. Elle continuera de vénérer le sang et les os, d'écouter la nuit et la peau, de donner une place saine et paisible au désir sexuel, d'étudier les comportements des gens et des peuples pour les comprendre intimement, de s'essayer à communiquer avec champignons, plantes, montagnes et animaux farouches, d'accepter le féminin dans toute sa complexité sans le juger ni le nier, et de glisser délicatement ses doigts dans la trame des mondes pour, au besoin, tirer çà et dénouer là afin de rééquilibrer l'ensemble. J'en ai déjà parlé, ici en Suède, les sorcières, c'est à Pâques. Grimpées sur leurs balais, munies de l'immanquable théière de cuivre et généralement d'un chat, elles volent jusqu'à Blåkulla, colline mythique dont l'emplacement reste secret. Là, entourée de démons et de leurs collègues, elles dansent, ripaillent et apprennent moult secrets. Les mentalités suédoises envers les sorcières ont bien changé. Il y a environ un siècle, les gens avaient coutume de tirer des coups de feu en l'air la nuit de Pâques pour descendre les éventuelles voyageuses volantes. Plus récemment, il y a entre 10 et 50 ans, les gens s'envoyaient des cartes postales toutes plus mignonnes les unes que les autres pour se souhaiter joyeuses Pâques - et les maris se montrent bien souvent fort complaisants envers leurs bonnes femmes trifouilleuses de sorts. Les mêmes qui tiraient en l'air envoyaient pourtant depuis des siècles leurs enfants, déguisés tous genres confondus en petites sorcières aux joues bien rouges, sonner à toutes les portes du voisinage pour obtenir des bonbons - tradition très semblable à celle de l'Hallowe'en américain donc, mais pas à la même saison. Ces jolies traditions de Pâques sont hélas peu à peu en train de disparaître en Suède. Tous les jeunes adultes de ma génération (entre 20 et 30 ans) ont été dans leur enfance, au moins une fois, déguisés en petites sorcières de Pâques pour aller sonner aux portes. Mais des trois Pâques que j'ai passées en Suède déjà, même en excluant cette année 2020 si étrange d'un point de vue social, je n'ai jamais vu le moindre enfant déguisé dans les rues. Quand et surtout pourquoi la tradition s'est-elle perdue ? Est-ce à cause de l'Hallowe'en américain qui gagne du terrain et semble ainsi faire "double-emploi" ? Non, ça me semble une réponse trop facile. Les traditions de Noël (Jul en suédois), aussi très marquées pendant des siècles, sont aussi en train de disparaître. Les jeunes gens déguisés qui carillonnaient aux portes, faisaient des farces et chantaient les chansons traditionnelles ne se rencontrent plus. Ne restent des traditions locales de Jul que le bouc géant édifié à Gävle (incendié une fois sur deux, toujours selon la tradition), les chansons de Noël, Sainte Lucie bien sûr et puis les dessins animés du 25 décembre, que toute la population suédoise s'enferme pour regarder. J'ai l'impression qu'il s'agit simplement du désenchantement général de notre monde, ainsi que de la perte de liens sociaux des différents groupes de personnes au profit d'une individualité exacerbée. Les étudiants d'Uppsala huchent encore à la pleine Lune, ceux d'Helsinki continuent de se baigner dans les fontaines, ceux de Sundsvall de se déguiser en pirates à la Valborg (1er mai), mais pour combien de temps ? Pour ma part, je me suis énormément amusée à réaliser mes photos de sorcière suédoise (Påskkärring) en route pour Blåkulla et les ai envoyées à tous mes amis, suédois ou non, sous forme solide (cartes) ou informatique. Et ferai de même l'an prochain, et l'année suivante, et ainsi de suite.
Ouais je fais dans le titre racoleur aujourd'hui. Mais c'est tellement vrai ! Beaucoup se diront sûrement que j'ai fait une faute de frappe ou que c'est une blague d'Halloween. Mais non, je suis très sérieuse et c'est un vrai problème dont il faudrait parler beaucoup plus. Asseyez-vous, prenez un bol de soupe, j'explique.
Si vous avez étudié vos sources deux minutes, vous n'ignorez pas que le terme de Samhain est irlandais et lié aux traditions païennes de ce pays. Jusque là, tout va bien, et je dirais que les Irlandais-es dans la salle peuvent se dispenser de lire cet article parce que Samhain PARTICIPE à conserver leurs traditions - et non, comme dans le cas des autres pays, notamment non celtiques, à les enterrer. Les Trèfles, vous êtes dispensés de cours. Le hic, en fait, c'est, comme souvent, Papi Gardner. Et ses copains aussi, je ne sais pas exactement quelle partie attribuer à qui donc restons-en à Gerald si vous voulez bien. Qui a déterré plein de traditions d'autour de chez lui, c'est-à-dire de Grande-Bretagne, les a bien mélangées dans son chaudron vers les années 1930-1940 et a popularisé ce brouet sous le nom de Wicca (qui avait commencé à exister avant lui mais simplifions). La Wicca a cherché à proposer une nouvelle vision du monde, basée sur les connaissances des paganismes anciens, et ce qui est le plus important : une vision du monde censée être UNIVERSELLE. Si vous me connaissez un peu, vous savez que c'est là que je commence à m'énerver. Un principe de polarité masculin/féminin (selon la Wicca, les escargots n'existent pas), un cycle des saisons avec des célébrations plutôt régulièrement espacées et représentant des étapes agricoles et/ou sociales de l'année... tout cela est censé être universel. Sauf que, comme tout ce qui cherche à faire rentrer le monde entier dans un concept rigide, inventé par des gens d'une époque et surtout localisation donnée (sans parler du statut social, etc.), eh ben en fait, c'est tout sauf universel. La roue de l'année de la Wicca ne fonctionne saisonnalement parlant que pour les pays celtiques, à peu près, et peut-être une partie des Etats-Unis. Et culturellement, c'est un DÉSASTRE. Encore une fois : Samhain est une fête d'origine IRLANDAISE. Halloween en est d'ailleurs la version transportée en Amérique par les colons et adaptée à la végétation et la culture de là-bas, les courges si typiquement américaines en sont l'étendard le plus absolu. Si les peuples celtiques ont existé à travers à peu près toute l'Europe, déjà ce n'est pas forcément leur culture qui a laissé la plus grande empreinte sur les mentalités et conceptions du monde ayant survécu par la suite (coucou, les pays germaniques !) et aussi, ces peuples étaient fichtrement variés et si certains, au Nord-Ouest, fêtaient peut-être Samhain de façon pas trop éloignée de ce qu'on s'imagine aujourd'hui, d'autres dans les autres régions avaient sans doute des traditions, si apparentées, en tout cas fort différentes. Pourquoi coller sur tout un ensemble de territoires variés une fête assez spécifiquement irlandaise ?! Bon vous pouvez être fana de l'Irlande, je n'y vois personnellement aucun mal, mais le problème est que de nombreuses personnes sincèrement intéressées par les anciennes traditions croient réellement que cette fête est universellement européenne. Telle quelle, avec son nom gaélique, ses symbolismes celtiques, etc. Et CA, c'est un fichu problème !! Je suis née et ai grandi en Suisse, où quelques personnes peinent à faire survivre des traditions beaucoup plus réelles et locales que le fourre-tout néo-païen qu'est Samhain aujourd'hui, par exemple une forme de procession enfantine aux flambeaux à la lumière de navets évidés quelque part mi-novembre. La similarité avec Samhain est assez nette, pourtant c'est une fête différente, avec un nom différent, des symboles différents, des pratiques autres que celles du Samhain néo-païen. Je vis en Suède, où les sorcières, costumes de sorcières, histoires de sorcières et trick-or-treats de porte à porte sont une tradition de Pâques, non de novembre ! Ca peut paraître complètement bizarre pour des non-Scandinaves, pourtant ici ça fait pleinement sens et c'est enraciné très profond dans de très vieilles traditions. Ce sont ces traditions-là que nous devrions célébrer, honorer, conserver et partager. Celles de nos régions, de là où nous vivons, qui font sens avec le cycle des saisons à un endroit donné (je peux vous assurer que les saisons suédoises ne sont pas vraiment les mêmes qu'en Suisse, par exemple) et avec les siècles de pratiques traditionnelles de la culture locale. Célébrer Samhain, c'est se conformer à une uniformisation du sacré, à un concept né de la tête d'un homme pas super sain et certainement pas historien, c'est perdre la véritable richesse de l'Histoire et des traditions humaines en faveur d'une conception du monde anglo-saxonne moderne et biaisée. Célébrer Samhain, c'est ne pas célébrer les pratiques locales, c'est leur ajouter une couche supplémentaire d'oubli, de déni et de dénaturation par-dessus la grosse couche de la chrétienté : la couche du néo-paganisme. En résumé et pour conclure : Si vous souhaitez réellement pratiquer le paganisme et/ou préserver les anciennes traditions, à moins d'être Irlandais-e, NE FÊTEZ PAS SAMHAIN ! Cherchez les pratiques locales et maintenez-les vivaces, elles ont beaucoup plus de sens géographique, culturel, historique et sacré qu'un concept fourre-tout néo-païen de même pas un siècle ! (Mais mangez autant de citrouille que vous voulez, il paraît que c'est bon pour la peau. Et puis c'est bon tout court.) PS. J'ajoute que ma grogne à l'encontre de Samhain est assez récente. Je ne suis pas du tout parfaite et je comprends parfaitement l'enthousiasme que ce concept peut susciter : j'ai moi-même célébré Samhain durant de nombreuses années, croyant maintenir vivaces d'anciennes traditions en toute bonne foi, sans me rendre compte le moins du monde que je piétinais allégrement les pratiques locales. C'est au travers de nombreuses discussions avec des gens intéressés par les traditions au sens large (païens ou non) et notamment d'un article écrit par un ami, que je ne retrouve hélas plus, que j'ai commencé à me rendre compte de la supercherie. J'ai toujours aujourd'hui une faiblesse pour certains concepts de Samhain et, peut-être plus encore, une excitation enfantine pour Halloween. Toutefois aujourd'hui, les seuls costumes que je porte le 31 octobre sont issus de la pop-culture (principalement Harry Potter), donc clairement non-traditionnels. Et je fuis avec application toute fête sentant un peu trop Samhain. Sauf si c'est organisé par des immigrants irlandais qui sont tous historiens des traditions, ou un truc du style. Ce que je n'ai encore jamais trouvé. Pour le moment, j'apprends les traditions de mon nouveau pays et je me réjouis de célébrer les sorcières au printemps ! Basically just reblogging an article about the Green Man myth, invented in 1939 by an english folklorist. Yep, invented - at least that's all I agree to say considering the absence of proofs. Because that's exactly my problem with neo-paganism : interpreting fragments of ancient civilizations and forcing modern ideas onto them and then claiming that's the meaning of it and that's how it was and that's a universal symbol. My main reason for leaving the neo-pagan networks. Perhaps I've just become too historian, too... scientist. Or perhaps I'm just trying to be careful about the terms I use and the things I believe in instead of swallowing any cool concept as I see so many do. Research, folks, double-crossing and being careful about what we believe in and transmit further. What a perfect conclusion to this article and to my own thoughts.
The cold nights of the long lonely winter
Have taught me an important thing : When there is no answer from the other side It means contact is not desired. This simple truth might be hard to face, but it is relieving and helps to get free from an obsession, to not get mad about the silence, and to stay a decent person - aka to not become a stalker. And this is one more thing that you have taught me, Räven. Through pain, uncomprehension and disbelief for sure, but I learned it and I am glad ; thanks for the lesson. |
Pensées et réactions sur bien des choses liées à la spiritualité. Peut-être beaucoup de critiques. Mais aussi beaucoup d'admiration.
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Décembre 2021
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