Dark Season - velvet, berries and mysteries
(English translation in comments) Chaque année, je la crains. Et chaque année, elle me séduit à nouveau et je me demande bien pourquoi j'ai eu peur de son arrivée, au lieu de m'en réjouir. L'été n'est pas une saison où je me sens bien. Il fait trop chaud, les insectes ne me laissent aucun répit, le soleil scandinave ne veut pas se coucher, je dors mal, mon corps lâche chaque été par un autre bout, j'ai mal, je n'aime pas ca. Septembre arrive et c'est un soulagement et ravissement. L'air devient respirable à nouveau, il se fait rond et riche des pluies et piquant des premiers gels. Les odeurs deviennent folles, s'entrecroisent dans le vent. Un délice. On peut enfin sortir les tricots aux motifs et couleurs savantes, réalisés à la main par un proche affectueux. Il y a tant de traditions de tricot et autres arts du fil dans nos régions, la beauté contenue dans ces traditions et savoirs m'émeut profondément. Noeuds, tresses, étoiles, textures et odeurs cascadent le long des manches. Les arbres ne sont pas en reste, explosant en nuances osées et spectaculaires avant leur longue nuit. Les sorbiers, tout honte bue, peignent la campagne du rouge le plus vif et vibrant qui soit. Nous n'avons presque pas eu de pommes cette année (contrecoup de la folie de la récolte précédente) mais les sorbes sont partout et j'ai profité tant que j'ai pu. Le congélateur est plein de ces billes de vitamines que j'ajoute à mes petits-déjeuners, j'en ai fait des guirlandes à travers tout le plafond et même un collier à plusieurs rangées. Elles sont irrésistibles et je me laisse enivrer joyeusement. Octobre a un côté social qui à la fois m'agace et me fait chaud au coeur. L'américaine fête de Halloween, qui continue à gagner du terrain en Europe, rassemble les personnes qui aiment cette saison, ses couleurs, odeurs et atmosphères. Surtout en ligne. Il y a une forme de tribu joyeuse, noire et orangée, vaguement gothique, qui devient visible sur les réseaux sociaux. Je l'aime bien, mais j'ai du mal avec l'américanisation extrême de toute cette esthétique. Les courges sont des légumes beaux, délicieux et pleins de vertus, mais pourquoi ne célèbre-t-on pas tout autant les polyvalentes patates, les riches oignons, les subtils céleris et, surtout, les telluriques betteraves, dont un proverbe explique bien que "toute histoire qui commence avec une betterave finit forcément avec le Diable" ? Plus approprié à l'esprit de la saison, il n'y a pas ! Les inspirations automnales se trouvent par milliers sur la Toile, mais toujours avec une codification très américaine. J'aimerais tant voir d'avantage d'images, de vidéos célébrant l'automne local de chacun. Derrière la mousse sociale qui monte à l'approche d'Halloween pour les profanes et Samhain pour les néopaïens bien formatés, il y a la Nature elle-même, qui n'a pas besoin de toute cette excitation et qui célèbre bien toute seule l'arrivée du Sombre en couleurs et odeurs. A son contact, une part de moi se calme, comme les végétaux qui, tout en faisant leur grand spectacle, se préparent au sommeil. Mais une autre part s'éveille, s'étire et sourit largement. Celle qui est tombée sous le charme de l'obscurité il y a des années déjà et l'a choisie, avec ferveur, avec élan. Je suis tellement, mais tellement fatiguée de l'opposition Bien-Mal, lumière-obscurité, positif-négatif, qu'on nous vent à toutes les sauces. Grande amatrice de littérature fantasy, c'est l'un des principaux problèmes que je lui trouve. Je ne crois pas au manichéisme ni à une fondamentale dichotomie. Je reviendrai un jour là-dessus en détails car l'opposition lumière-obscurité n'est pas une vérité naturelle, seulement une conception limitée (et limitante) venant de notre perception sensorielle humaine. Vie/mort même chose. Mais revenons à notre saison. Sombre et veloutée, elle est tendre, accueillante, généreuse, comme les bras d'un amant dans lesquels on peut se glisser avec abandon. Il ne s'agit pas d'une manipulation, d'une astuce, de la marque d'un esprit mauvais. Non, l'obscurité et l'ombre ne sont pas négatives, mais elles permettent à tous les possibles de se cacher en leur sein. Et c'est cette potentialité infinie qui fait peur. Que se cache-t-il dans la nuit ? C'est la terreur qui crée les monstres. Accueillis avec leur mystère, ils ne sont guère que des familiers et, si certains crachent et griffent, d'autres ronronnent et réchauffent volontiers vos genoux. Vouloir la lumière, le positif à tout prix, c'est nier l'importance des ombres, de tout ce qu'elles ont à nous apprendre, et c'est refuser la force incroyable qu'elle peuvent nous offrir. Dans le noir se trouvent des sources, des voix pour comprendre, des rocs pour construire, se construire, de facon plus équilibrée et solide qu'en les rejetant pour ne garder que ce qui brille et luit. Cette nuit qui s'étend me ravit, je me découvre une énergie impressionnante et une force intérieure que j'avais oubliée durant les mois clairs. Autour de moi beaucoup se plaignent du manque de lumière ; je ne dis rien et sors sourire amoureusement au velours de l'ombre, aux brumes qui filent des atmosphères de contes, aux nuées qui se déchirent pour offrir au sol les pluies fécondes, même parfois aux étoiles, quand le ciel est clair - mais leur saison à elles n'est pas encore arrivée. Bientôt elles régneront sur nos terres gelées et régaleront nos prunelles de leur immensité. Peut-être même aurons nous droit, ici au Nord, aux rubans verts et mauves des âmes dansantes des ancêtres.
1 Commentaire
Dark Season – velvet, berries & mysteries
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Pensées et réactions sur bien des choses liées à la spiritualité. Peut-être beaucoup de critiques. Mais aussi beaucoup d'admiration.
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Décembre 2021
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